jeudi 2 avril 2020

ASSURANCES PERTES D’EXPLOITATION ET CORONAVIRUS


COVID-19 : assurances pertes d’exploitation, que faire vis-à-vis de votre assureur ?

La crise sanitaire nous donne l’occasion et le temps de nous pencher sur nos contrats d’assurances contenant une garantie « perte d’exploitation » en cas d’arrêt d’activité, que les assurés vont regarder sous un nouvel angle.

Gageons qu’au sortir du confinement, le Covid-19 va très certainement contribuer à redéfinir et réouvrir des débats sémantiques sur la notion de loyauté du cocontractant et de l’assureur en particulier, je vous propose ici une réflexion constructive et prospective :

Généralement, les contrats qui comportent cette garantie conditionnent sa mise en jeu à un préalable : que l’arrêt d’activité soit consécutif à un sinistre matériel indemnisable (incendie, explosion, inondation … prévus par le contrat).

D’autre part, les contrats excluent souvent l’indemnisation des conséquences d’une épidémie ou d’une pandémie.

Dans deux de ces cas, l’arrêt d’activité provoqué par le confinement dû au COVID 19 n’est pas indemnisable, soit parce qu’il n’est pas consécutif à un dommage matériel, soit parce que le contrat exclut l’indemnisation des conséquences des épidémies et pandémies.

Toutefois, dans certains secteurs d’activités, par exemple dans l’hôtellerie-restauration, des assureurs proposent la prise en charge des pertes d’exploitations indépendamment d’un sinistre matériel, notamment en cas de fermeture ordonnée par une autorité administrative, pour différentes causes qui peuvent comprendre les maladies contagieuses ou les épidémies.

Dans ce cas, la preuve de la réalisation du risque incombant à l’assuré devrait être facile à rapporter puisqu’il lui suffira d’invoquer la décision qui ordonne la fermeture. Concernant le COVID 19, en l’occurrence l’arrêté ministériel du 15 mars 2020 publié au JO du 16 mars 2020.

Restent alors pour l’assuré à découvrir de la part de son assureur dans sa réponse à sa demande d’indemnisation les mauvaises surprises que celui-ci pourrait lui réserver par une lecture surprenante d’une mise en perspective non pas d’une seule clause en l’occurrence celle qui stipulait d’une prise en charge possible, mais de toutes les stipulations contractuelles : conditions particulières ou personnelles, conditions générales, conventions spéciales, annexes, avenants. ..

Outre la possibilité que l’assureur ait eu « l’habileté » de définir le risque de manière très restrictive, il peut également avoir stipulé dans l’un ou l’autre de ses documents contractuels, des exclusions dont l’importance ou le nombre donnent l’impression qu’il vous reprend d’une main ce qu’il vous donne de l’autre !

Petit exemple désagréable « à destination des assurés -confinés » par le risque avéré du COVID-19 :

Tel serait le cas de l’assureur qui vous vend, quand tout va bien, la couverture des pertes d’exploitation résultant de la fermeture administrative consécutive à une maladie contagieuse ou à une épidémie, mais qui dont le contrat exclut les situations de fermetures collectives … comme dans le cas du COVID 19.

·         Tout le problème donc revient ici à ce que l’assureur se fera un plaisir de vous opposer que le contrat ne couvre pas la fermeture dans un cadre « collectif » : est-ce possible ???

N’est-il pas évident qu’une épidémie conduise non pas à la fermeture d’un seul restaurant, mais de tous les restaurants du secteur géographique couvert par « l’urgence sanitaire » visant à l’éradication du COVID-19, voir au-delà, pour en stopper la propagation ?

·         Dénier sa garantie dans une telle situation ne revient-il pas à ne rien assurer, et donc à s’apparenter à une démarche contractuelle déloyale ?

La majorité des assurés confrontés à de telles exclusions directes - ou indirectes, c’est-à-dire résultant d’une définition restrictive du risque assuré - n’osent pas affronter leur assureur, pensant la cause perdue d’avance !! 

La cause des assurés perte d’exploitation en cas de COVID-19 est-elle donc définitivement perdue ? : pas toujours.


Il faut savoir que les exclusions de garanties peuvent parfois être contestées, souvent avec succès, car les textes de lois applicables et une jurisprudence abondante posent des règles dont le non-respect permet de faire invalider certaines exclusions en justice.

En voici quelques motifs :

En premier lieu, pour que les exclusions soient opposables à l’assuré, l’assureur doit être mesure de prouver qu’il a satisfait à son obligation pré contractuelle d’information (L 112-2 C. ass.) et surtout que la clause d’exclusion a bien été portée à la connaissance de l’assuré avant le sinistre : Principe de loyauté contractuelle !

Par ailleurs se pose souvent le problème, pour l’assureur, de faire le lien entre les différents documents contractuels, pas tous signés, et pas toujours bien identifiés par des références précises permettant de les rattacher les uns aux autres.

Ensuite, le code des assurances impose que les clauses d’exclusions soient formelles, limitées (L 113-1 C. ass.) et en caractères très apparents (L 112-4 C. ass.).

Or, elles sont parfois insuffisamment mises en évidence. Ces caractéristiques sont à l’appréciation du juge notamment dans une démarche de caractérisation de la loyauté contractuelle.

La jurisprudence invalide les clauses d’exclusions qui nécessitent d’être interprétées. (Ex. : C. cass. 3ème Civ, 27/10/2016, n° 15-23841)

Enfin, les tribunaux annulent les clauses d’exclusions qui aboutissent à vider la garantie de tout contenu.

Par ailleurs à l’occasion de la réforme du droit des obligations, un nouveau texte du code civil introduit par la dernière réforme du droit des contrats consacre ce principe en prévoyant que « Toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. » (1170 C. civ.)

Ainsi, une clause d’exclusion, même si elle est formelle et limitée, et qu’elle figure en caractères très apparents dans le contrat, pourra-t-elle être annulée si elle a pour effet de vider la garantie de son contenu.

Si, dans votre cas, aucun de ces arguments ne parait pouvoir être invoqué, mais que vous avez eu recours à un courtier, c’est un manquement à son devoir de conseil qui pourra vous permettre, le cas échéant, d’être dédommagé. (Ex. : C. cass. ch. civ., 1 17/11/2016, N° 15-24175)

Car les courtiers sont obligatoirement couverts par une assurance responsabilité civile professionnelle, et en la matière, en tant que victime, vous ne pourriez pas vous voir opposer … les exclusions contractuelles.

On le voit par ce bref tour d'horizon, les assurés doivent se réconforter et surtout se garder de tout défaitisme :

Les moyens existent pour ramener leur assureur à faire bouger le curseur de l’interprétation loyale de leur contrat d’assurance et à n’en pas douter la crise sanitaire du COVID-19 va faire progresser les interprétations très multiples de la clause loyale notamment.



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