COVID-19 :
assurances pertes d’exploitation, que faire vis-à-vis de votre assureur ?
La crise sanitaire
nous donne l’occasion et le temps de nous pencher sur nos contrats d’assurances
contenant une garantie « perte d’exploitation » en cas d’arrêt
d’activité, que les assurés vont regarder sous un nouvel angle.
Gageons qu’au sortir du confinement, le
Covid-19 va très certainement contribuer à redéfinir et réouvrir des débats
sémantiques sur la notion de loyauté du cocontractant et de l’assureur en
particulier, je vous propose ici une réflexion constructive et
prospective :
Généralement, les
contrats qui comportent cette garantie conditionnent sa mise en jeu à un
préalable : que l’arrêt d’activité soit consécutif à un sinistre matériel indemnisable
(incendie, explosion, inondation … prévus par le contrat).
D’autre part, les
contrats excluent souvent l’indemnisation des conséquences d’une épidémie ou
d’une pandémie.
Dans deux de ces cas,
l’arrêt d’activité provoqué par le confinement dû au COVID 19 n’est pas
indemnisable, soit parce qu’il n’est pas consécutif à un dommage matériel, soit
parce que le contrat exclut l’indemnisation des conséquences des épidémies et
pandémies.
Toutefois, dans certains
secteurs d’activités, par exemple dans l’hôtellerie-restauration, des assureurs
proposent la prise en charge des pertes d’exploitations indépendamment d’un
sinistre matériel, notamment en cas de fermeture ordonnée par une autorité administrative,
pour différentes causes qui peuvent comprendre les maladies contagieuses ou les
épidémies.
Dans ce cas, la preuve
de la réalisation du risque incombant à l’assuré devrait être facile à
rapporter puisqu’il lui suffira d’invoquer la décision qui ordonne la
fermeture. Concernant le COVID 19, en l’occurrence l’arrêté ministériel du 15
mars 2020 publié au JO du 16 mars 2020.
Restent alors pour
l’assuré à découvrir de la part de son assureur dans sa réponse à sa demande
d’indemnisation les mauvaises surprises que celui-ci pourrait lui réserver par
une lecture surprenante d’une mise en perspective non pas d’une seule
clause en l’occurrence celle qui stipulait d’une prise en charge possible,
mais de toutes les stipulations contractuelles : conditions
particulières ou personnelles, conditions générales, conventions spéciales, annexes,
avenants. ..
Outre la possibilité
que l’assureur ait eu « l’habileté » de définir le risque de
manière très restrictive, il peut également avoir stipulé dans l’un ou
l’autre de ses documents contractuels, des exclusions dont l’importance
ou le nombre donnent l’impression qu’il vous reprend d’une main ce qu’il vous
donne de l’autre !
Petit exemple désagréable « à destination des assurés -confinés »
par le risque avéré du COVID-19 :
Tel serait le cas de
l’assureur qui vous vend, quand tout va bien, la couverture des pertes
d’exploitation résultant de la fermeture administrative consécutive à une
maladie contagieuse ou à une épidémie, mais qui dont le contrat exclut les
situations de fermetures collectives … comme dans le cas du COVID 19.
·
Tout
le problème donc revient ici à ce que l’assureur se fera un plaisir de vous
opposer que le contrat ne couvre pas la fermeture dans un cadre
« collectif » : est-ce possible ???
N’est-il pas évident
qu’une épidémie conduise non pas à la fermeture d’un seul
restaurant, mais de tous les restaurants du secteur géographique couvert par
« l’urgence sanitaire » visant à l’éradication du COVID-19,
voir au-delà, pour en stopper la propagation ?
·
Dénier
sa garantie dans une telle situation ne revient-il pas à ne rien assurer, et
donc à s’apparenter à une démarche contractuelle déloyale ?
La majorité des
assurés confrontés à de telles exclusions directes - ou indirectes,
c’est-à-dire résultant d’une définition restrictive du risque assuré - n’osent
pas affronter leur assureur, pensant la cause perdue d’avance !!
La cause des assurés perte
d’exploitation en cas de COVID-19 est-elle donc définitivement perdue ? : pas toujours.
Il faut savoir que les exclusions de garanties
peuvent parfois être contestées, souvent avec succès, car les textes de lois
applicables et une jurisprudence abondante posent des règles dont le non-respect permet de faire invalider certaines exclusions en justice.
En voici quelques
motifs :
En premier lieu, pour
que les exclusions soient opposables à l’assuré, l’assureur doit être mesure de
prouver qu’il a satisfait à son obligation pré contractuelle d’information (L
112-2 C. ass.) et surtout que la clause d’exclusion a bien été portée à la
connaissance de l’assuré avant le sinistre : Principe de loyauté
contractuelle !
Par ailleurs se pose
souvent le problème, pour l’assureur, de faire le lien entre les différents
documents contractuels, pas tous signés, et pas toujours bien identifiés par
des références précises permettant de les rattacher les uns aux autres.
Ensuite, le code des
assurances impose que les clauses d’exclusions soient formelles,
limitées (L 113-1 C. ass.) et en caractères très
apparents (L 112-4 C. ass.).
Or, elles sont parfois
insuffisamment mises en évidence. Ces caractéristiques sont à l’appréciation du
juge notamment dans une démarche de caractérisation de la loyauté
contractuelle.
La jurisprudence invalide
les clauses d’exclusions qui nécessitent d’être interprétées. (Ex. : C.
cass. 3ème Civ, 27/10/2016, n° 15-23841)
Enfin, les tribunaux annulent
les clauses d’exclusions qui aboutissent à vider la garantie de tout contenu.
Par ailleurs à
l’occasion de la réforme du droit des obligations, un nouveau texte du code
civil introduit par la dernière réforme du droit des contrats
consacre ce principe en prévoyant que « Toute clause qui prive de
sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. »
(1170 C. civ.)
Ainsi, une clause
d’exclusion, même si elle est formelle et limitée, et qu’elle figure en
caractères très apparents dans le contrat, pourra-t-elle être annulée si
elle a pour effet de vider la garantie de son contenu.
Si, dans votre cas,
aucun de ces arguments ne parait pouvoir être invoqué, mais que vous avez eu
recours à un courtier, c’est un manquement à son devoir de
conseil qui pourra vous permettre, le cas échéant, d’être dédommagé. (Ex. : C. cass. ch.
civ., 1 17/11/2016, N° 15-24175)
Car les courtiers sont
obligatoirement couverts par une assurance responsabilité civile
professionnelle, et en la matière, en tant que victime, vous ne pourriez pas
vous voir opposer … les exclusions contractuelles.
On le voit par ce bref tour d'horizon, les assurés doivent se réconforter et surtout se garder de tout
défaitisme :
Les moyens existent pour ramener leur assureur
à faire bouger le curseur de l’interprétation loyale de leur contrat
d’assurance et à n’en pas douter la crise sanitaire du COVID-19
va faire progresser les interprétations très multiples de la clause
loyale notamment.
AXA et AXERIA ont été condamnés en application de ces principes
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